Pourquoi agir ?

Si l’on regarde les choses en face, débarrassé de l’illusion du «tout va bien dans le meilleur des mondes», l’humanité file du mauvais coton: guerres économiques, guerres religieuses, guerres ethniques, replis identitaires, toute puissance de la finance, nationalisme, conservatisme, fanatisme, égoïsme. A cela s’ajoute la santé même de notre terre porteuse, pompée, sucée, détruite dans ses profondeurs, ses mers, son humus fertile, sa fine couche d’air protectrice des rayons du cosmos. La vie, qui a tenté de développer ses derniers millénaires, un animal doué d’intelligence et capable d’influer sur son environnement, s’est peut-être trompée, ou était-ce une étape, une farce?: «L’humanité disparaîtra: bon débarras» a titré dans son pamphlet le philosophe Yves Paccalet?

Voilà le préambule à mon propos. Face à ce constat deux possibilités s’offrent aux individus que nous sommes: devant l’ampleur de la tâche et le sentiment d’impuissance qui nous envahit, c’est de baisser les bras, de penser «on verra ça plus tard!», de penser «ils trouveront bien une solution» et de s’anéantir devant sa TV, un verre d’alcool, un rêve d’amour, de richesse et de gloire, dans l’impuissance du chacun pour soi. Et tant pis pour les attentats de Bagdad, les viols massifs des femmes du Congo RDC, la mortalité infantile due à la famine, les épidémies, l’injustice, Guantanamo, Ben Laden; tant pis pour la pollution, la marchandisation des ressources, la destruction des espèces, la fonte des calottes glaciaires; tant pis pour les exilés de la faim, de la sécheresse, des jeux de pouvoir, de la guerre. Que l’on nous laisse tranquille, chez nous, dans notre helvétique coin, coincé par notre propre choix, où l’on ne veut pas voir, pas entendre que l’humanité est une, et qu’ensemble elle coulera, qu’ensemble elle se sauvera.

L’autre manière est de réagir. C’est ce qu’ont voulu les initiateurs de l’Association Bel Horizon mieux vivre ensemble. Action infinitésimale dans l’immensité du monde, mais porteuse de sens, à son échelle, dans son contexte local: un + un + un = beaucoup!

Mieux vivre ensemble, c’est un vœu, c’est aussi un défi. Une association multiculturelle comme la nôtre, portée à part égale par des migrants et des suisses venus de tout horizon, Somalie, Burundi, Congo RDC, Togo, Cameroun, Algérie, Irak, Suisse allemande, romande, neuchâteloise, chaux-de-fonnière, n’est pas sans poser problème. Culture, habitude, coutume, langue, préjugé, à priori, tout y passe pour compliquer la communication qui, ajoutée aux particularismes de chacun et à la nature individualiste bien connue des humanoïdes que nous sommes dans nos sociétés éclatées, n’ont rien pour faciliter la tâche.

Et pourtant, il en va de notre avenir à pouvoir traverser les difficultés. Il en va de notre espérance. C’est notre responsabilité personnelle que nul autre ne portera dans la résolution des problèmes généraux. Comment résoudre les problèmes à l’échelle du monde si nous ne pouvons démontrer à l’échelle microscopique une capacité d’entente, d’intégration, d’ouverture, de patience, de solidarité et d’action au service de tous? C’est du même ordre, de la même importance, majeure, vitale. Moins d’ego, plus d’égaux selon le slogan des CSP romands d’il y a quelques années.

C’est le défi de notre Association. Offrir sur le terrain de l’amitié et de l’entraide, dans un esprit de bénévolat, un lieu d’accueil chaleureux, ouvert, proposant, entre autres, des services informatiques à l’ensemble de la population et plus particulièrement aux exilés égarés dans notre bonne conscience et aux marginalisés oubliés de notre société.

Mars 2007, Christian Beuret